Froide, immobile et grise dans ce champ fleuri
Une marguerite s'offrait magnifique aux rayons impudique
Dans les clairs matins recouvraient ses pieds de mousse.
Le pissenlit, à son regard, cherchait en vain
Le pétale d'une autre soeur, frêle main.
Elle vit, oh! geste sublime l'humble marguerite
Ouvrir son fruit dans l'entraille de son pur calice.
Les lettres gravées du sang de ses meurtrissures
Un après-midi se détachèrent de son vêtement usé
Comme le grain tombant un à un de l'épi mûr
Elles glissèrent tout doucement sur son ventre affamé.
La pluie, fines gouttelettes sur son corps de marbre
Roulait sur ses seins, ses hanches, ses chevilles
Dans la nuit fantôme à la cime des arbres
Elle lança un cri: "De la vie, je suis fille!"
Cette pierre tombale, cette singulière marguerite
Fruit amer jamais en saison récoltée
N'est nulle autre que mon âme déchiquetée
Par les dents de ces chacals au mortel rite
Si de la nuit noire naît la nubile aurore
La vie dans les sentiers mouvants de mon coeur
Se fraiera un chemin laissant le mauvais sort
Mourir dans le limon de mes anciennes peurs.